Sœur jumelle du roi Akaba, la reine Tassi Hangbé n’est pas n’importe qui dans le royaume de Danxomè. Bien que les principes sacro-saints qui gouvernent la royauté n’autorisent pas la femme à briguer le trône de Houégbadja, Tassi Hangbé a brisé ce mythe en accédant à ce prestigieux pouvoir. Au cours de son règne (1708-1711), elle a fait de la promotion de la gent féminine, l’une de ses priorités à travers la formation d’un régiment militaire constitué de femmes amazones dénommées les ‘’Agoodjié », une appellation locale des femmes guerrières. Malheureusement, ses traces semblent s’effacer de l’histoire et ses œuvres mises sous boisseau. L’idée de confier des armes aux femmes pour défendre vaillamment le territoire de Danxomè aux côtés des hommes a germé chez la reine Tassi Hangbé. Cette confiance placée en la femme par son Altesse royale a bien une origine que conte Damien Mariano Agliti, guide touristique à l’Office de tourisme et région (Otr) d’Abomey. En effet, suite au décès du roi Akaba, son frère siamois, à la veille d’une bataille décisive entre l’armée du royaume de Danxomè et celle des Oyo et Wémènou, son fils Agbossassa était encore très jeune pour faire le job. C’est ainsi que sa sœur jumelle prend le contrôle des troupes pour poursuivre le combat en hommage à son défunt frère. Après leur victoire, elle rentra triomphalement dans le royaume en faisant part à tous de sa ruse. Contre toute attente, elle devient de ce fait la reine du Danxomè en bravant les interdits et en bousculant les principes. Premier acte de son règne. « Il n’y a pas eu de cérémonie officielle pour signifier que Hangbé est la reine. Mais elle a porté tous les insignes du pouvoir royal tels que Saloubata(les sandales), avotita (grand pagne tissé et décoré), mankpo (la récade)…Le siège et le parasol royaux l’accompagnaient aussi. Le peuple, la famille royale et les dirigeants de la cour lui manifestaient le respect dû à un son rang », renseigne Damien Mariano Agliti. En dépit de son règne très court en tant que reine (1708 – 1711), son Altesse royale Tassi Hangbé a laissé des empreintes indélébiles dans l’histoire de Danxomè. Quoi qu’on dise, ses réalisations forcent respect et admiration. Précurseur de l’armée des amazones qui fait la fierté du Danxomè à ce jour, elle a lutté énormément pour la promotion de la femme. Visionnaire, elle favorise le développement de l’agriculture, de la chasse et encourage l’accès des femmes aux métiers réservés aux hommes comme forgerons, guerriers, potiers ou encore tisserands afin de leur permettre d’être capables d’agir à arme égale et de s’émanciper. Elle a également positionné les femmes dignitaires du royaume de par les Dadassi. Ces femmes sont identifiables par leurs pagnes souvent posés sur la tête. Au plan sécuritaire, Tassi Hangbè a constitué le premier régiment des amazones. A Abomey, ces courageuses femmes guerrières étaient appelées les ‘’Agoodjié’’. Vaillamment, elles ont œuvré au triomphe de Danxomè dans plusieurs batailles dont la célèbre victoire sur le royaume de Savi 1727. Expertes en espionnage des camps ennemis et intervenant dans les attaquesfinales des batailles, la robustesse, l’endurance physique de ces femmes ont, très tôt, été remarquées par les Européens qui les ont baptisées «Amazones» en référence aux amazones de la mythologie grecque. Elles assuraient la sécurité de la cour royale.
Composition du régiment militaire
Ce tout premier régiment professionnel est formé sous la base d’un recrutement rigoureux basé sur des critères de taille et d’engagement. D’après les précisions de Damien, elles sont des femmes robustes âgées de 15ans au plus. Elles sont recrutées de maison en maison en se fondant sur leur taille comme critère de sélection. Composant l’armée Dahoméenne forte de 200 membres, elles assurent la garde rapprochée et personnelle du souverain. Au sein de cette armée féminine, l’on distingue plusieurs bataillons à qui on a confié une mission spécifique. On note à ce titre la présence remarquée de Tata Adjatchè, une belle sature, réputée pour son adresse, sa précision à l’arc et la justesse de son tir au fusil. ‘’Nanga’’ quant à elle, est une femme mystérieuse, une héroïne de la guerre anticoloniale. La ‘’Gulenentos’’ est un corps de cette armée qui utilise de longs fusils à munitions de fabrication locale. Les ‘’Nyekplonentos’’ sont équipées de grands coutelas en forme de rasoirs. Les ‘’Gohentos’’ sont des archères armées de redoutables flèches à tête crochue. Les ‘’Gbetos’’ quant à elles, surnommées les chasseresses, sont spécialisées dans le harcèlement de l’ennemi. Les différents corps de cette armée dahoméenne et les femmes spécialisées renforcent périodiquement leurs capacités en vue d’être plus aguerries. Elles suivent donc régulièrement leur formation militaire à ‘’Hongbodji’’, un site situé à Zassa environ à 5km d’Abomey centre. Ici, quelques ruines du palais privé du roi Agadja transformé plus tard en camp d’entrainement des amazones résistent encore aux intempéries. Le domaine de plus de 10 hectares est occupé par les cultures vivrières. Après cette formation, chacune d’elles la met en pratique sur le champ de bataille. Plus tard, ce corps d’élite à l’étape embryonnaire, a été réorganisée et restructurée par le roi Géuzo (1818-1858). Il devient ainsi le corps spécial des Amazones. Elles se distinguent par leur courage et leur froide détermination. « Nous sommes des hommes, non des femmes – dit un de leur chant de guerre. Celles qui rentrent de la guerre sans avoir conquis doivent mourir. Si nous battons en retraite, notre vie est à la merci du roi. Quelle que soit la ville à attaquer, nous devons la conquérir ou nous enterrer nous-mêmes dans ses ruines.», tel était leur crédo.
Le serment de la conquête
Pour venir à bout de l’ennemi, les amazones font des promesses au roi après la préparation matérielle et spirituelle. La préparation matérielle vise à apprêter les outils de combat tels que les sabres, les gourdins et surtout leurs mains. La préparation spirituelle consiste, à en croire Damien Agliti, à préparer mystiquement depuis la veille les femmes guerrières par de décoction et autres poudres magiques. La troupe est par la suite présentée au roi à ‘’Adanzoundji’’ une place publique devant le palais privé du roi Guézo au quartier Hounli. « Deux temps forts marquent cette cérémonie de présentation.», informe Damien Agliti. Dans un premier temps, le roi demande l’assistance de ses ancêtres (esprits des rois et dignitaires défunts) afin qu’ils conduisent victorieusement les attaques. La seconde phase est consacrée à la prestation de serment des guerrières. Devant le roi, les chefs de guerre et les amazones, la main sur le cœur, jurent loyauté, fidélité et s’engagent à ramener l’ennemi mort ou vif. Ils montent sur la tribune de courage pour jurer vaincre les ennemies. Une fois le souverain prend acte sur serment, les amazones prennent le départ à travers une caravane pédestre à l’allée comme au retour. A la mort du roi Guézo, la troupe a chanté aussi son requiem. Depuis lors, on en parle plus. Mais leurs actes continuent de défiler leur histoire.
Un règne controversé
Ayant bousculé les habitudes, le règne de son Altesse royale Tassi Hangbé était tumultueux. Son féminisme, son caractère, dite « sans-pudeur » et son franc-parler avaient dérangé la noblesse de l’époque. Il y eut donc une conspiration afin de l’évincer du trône au profit de son frère cadet Dossou. Des complots formentés au sein de la cour ont conduit à l’assassinat de son fils. Epuisée par ces querelles meurtrières, elle cède, après trois ans de règne, le pouvoir à Agadja, son jeune frère. Même si aujourd’hui on tente de dissoudre son règne, le trône de la reine Tassi Hangbé à Abomey continue à être occupé aujourd’hui par une femme ayant la charge de présider les cultes annuels et de gérer les affaires courantes de la collectivité. Au regard de ces prouesses, que la mémoire de la reine Hangbé soit restaurée et honorée pour la conservation de ses œuvres.