UTILISATION DES ENGRAIS CHIMIQUES DANS LE MARAICHAGE
De la recherche d’un bon rendement à l’empoisonnement des consommateurs
. Quelles solutions pour la protection de l’environnement et la santé des populations ?
Face au chômage ambiant, le secteur du maraîchage se présente comme une solution non négligeable pour certaines personnes. Une partie de la population se dirige vers cette activité qui nourrit bien son homme. Ainsi, pour une meilleure production en un temps réduit, bon nombre de ces jardiniers comme ils sont souvent appelés, font recours à l’utilisation des intrants chimiques, engrais, pesticides et insecticides. Cependant, l’utilisation abusive de ces produits chimiques dans le maraîchage n’est pas sans inconvénients sur l’environnement et la santé des populations. Un tour dans les jardins, révèle certains aspects cachés de cette activité en pleine expansion.
Installés dans les zones marécageuses des grandes villes du Bénin, les jardins de production de légumes se multiplient de jour en jour surtout face à la forte demande des consommateurs. Du coup, les étalages des vendeuses de légumes, tomates, piments, salade, basilic, carottes, pommes de terre… sont toujours achalandés quelles que soient les saisons. Ainsi, au moment où certains de ces producteurs utilisent les intrants biologiques pour la production, d’autres font tout simplement usage excessif des intrants chimiques. Ces producteurs qui optent pour la production bio ou semi-bio sont très peu par rapport aux autres. Cet état de chose interpelle les uns et les autres sur les impacts que pourrait avoir l’utilisation des intrants chimiques sur la santé des consommateurs et sur l’environnement. Il convient de chercher à savoir ce qui est à la base de cette ruée vers les intrants chimiques dans le maraîchage.
Les causes de l’utilisation des intrants chimiques dans le maraîchage
« Ici, nous produisons du bio, c’est notre option pour préserver l’environnement. La fabrication des engrais bio demande assez de temps et d’énergie tandis que pour ceux chimiques, c’est vite fait et avec peu d’effort, le résultat est là. C’est pourquoi les autres jardiniers préfèrent l’utilisation de ces engrais chimiques », déclare Roger Agbotoun technicien au centre Songhaï de Parakou. Ces propos de Roger sont confirmés par Anselme G. maraîcher dans le bas-fond de l’abattoir du quartier Titirou à Parakou, « j’ai essayé les composts mais ça prend du temps et on dépense beaucoup d’énergies pour la production. A la fin les clientes n’acceptent pas facilement le prix. C’est pourquoi, j’ai finalement changé de méthode. Tu achètes à peines l’engrais de 25 000f et tu peux faire une grande surface dans peu de temps le résultat est-là, c’est-ça ». Tous les acteurs de la chaine sont conscients du danger des engrais chimiques. Mais il convient de noter que c’est un choix facile face au bio qui coûte très cher et parfois difficile à composer. Sur la question, le docteur Rodrigue Diogo enseignant chercheur à la faculté d’agronomie de l’université de Parakou et spécialiste des systèmes de production, agriculture et élevage identifie d’autres causes non moins négligeables, « en effet, l’appauvrissement de ces sols fait que, les maraîchers se retrouvent souvent contraints d’utiliser les engrais chimiques qui pourraient avoir des impacts négatifs sur l’environnement et, de fait sur les végétaux. Il faut noter par ailleurs que l’usage de l’engrais chimique est nettement plus accentué chez les maraîchers de types permanents suivis de ceux à temps partiel ».
Ainsi, se présentent les raisons fondamentales qui poussent les maraîchers à opter pour les intrants chimiques bien qu’étant conscients des effets néfastes de ces intrants sur l’environnement et sur l’homme.
Les effets néfastes de l’utilisation des intrants chimiques dans le maraîchage
Les impacts négatifs des intrants chimiques dans le maraîchage sont de deux ordres, les impacts environnementaux et ceux sanitaires.
Sur le plan de la santé les pesticides et les engrais chimiques constituent de graves sources de pathologies. Le docteur Fidèle Zinsou, médecin spécialiste en santé publique explique, « les impacts sanitaires sont doubles. Notamment sur le système endocrinien avec une modification de la croissance (on parle de bébé provende), des troubles de la fertilité et l’augmentation des maladies cardiovasculaires et métaboliques comme le diabète ». Il ajoute par la suite qu’ « il y également les risques de cancers notamment digestifs et cutané. Mais, il faut noter que nous n’avons pas encore suffisamment de recul pour établir un lien de causalité directe entre l’utilisation des engrais et l’augmentation de l’incidence des cancers ». Donc, les populations courent assez de risques en consommant les produits maraîchers provenant de l’utilisation des intrants chimiques.
Sur le plan environnemental, les dégâts sont également énormes car ils peuvent se répercuter sur des générations. Ces intrants appauvrissent les sols. Après la pluie, les résidus de ces intrants sont drainés par l’eau de ruissellements et vont se retrouver au bout du rouleau dans les cours d’eau qui parfois servent de boisson pour certaines populations. Compte tenu de ces dégâts, plusieurs consommateurs optent pour les légumes et les fruits produits à base des engrais bio. « Je viens ici à Songhaï pour acheter les légumes et les fruits pour préserver la santé de ma famille. Parce qu’ici, ils n’utilisent pas des engrais chimiques. Et les produits sont faciles à conserver », témoigne Evariste père de famille client du centre Songhaï à Parakou.
Comment pallier aux dégâts?
« L’utilisation des engrais chimiques n’est pas en temps que tel un problème en agriculture en ce sens que si on sait bien gérer il ne devait pas y avoir de problème. Malheureusement c’est la mauvaise gestion ou la mauvaise utilisation des engrais chimiques qui cause de problème », explique docteur Rodrigue Diogo. Alors, pour pallier aux dégâts de l’utilisation des engrais chimiques, le ministère en charge de l’agriculture au Bénin fait des efforts qui pour l’heure a du plomb dans l’aile. « Nous avons toujours conseillé à ce que même s’il faut apporter des pesticides chimiques qu’on les apporte non seulement à la dose indiquée mais qu’on minimise au maximum l’utilisation des pesticides chimiques. Puisque maintenant il y a les bios pesticides, qu’on peut fabriquer sans aller acheter. Par exemple pour les ravageurs, il y a les bios pesticides qu’on fabrique avec les graines de neem pour chasser les insectes et autres. De la même façon au niveau de l’engrais chimique, il y a les apports en matière d’engrais organiques. On les a aussi appris comment fabriquer son engrais organique avec les résidus agricoles, les défections, les bourses de vache, des ovins, des caprins, des volailles et même les ordures ménagers », conseille le Directeur Départemental de l’Agriculture, de l’Elevage et de la Pêche du Borgou Khalifa Bori Bata Yerima. De son côté le médecin préconise d’ « encourager les ménages à disposer d’un petit jardin familial pour la culture des légumes car, c’est bénéfique sur tous les plans. Ceci peut même augmenter l’activité physique et diminuer le risque de maladies cardiovasculaires et ils feront des économies ». « Ce qui serait bien, c’est de minimiser au maximum l’utilisation de l’engrais chimique et de compléter par l’utilisation de la matière organique. Donc l’idéal c’est de combiner en réduisant considérablement l’utilisation de l’engrais chimique », a souhaité l’agronome. Ces propos sont renchéris par le géographe Isidore Yorou, « Pour y remédier, les producteurs adoptent des technologies de gestion des sols et des cultures incluant l’usage des engrais minéraux et organiques ». « La valorisation de ces déchets prend souvent en compte leur transformation en compost, humus stable pour l’amélioration des propriétés physiques, chimiques et biologiques des sols. Non seulement cette valorisation permet une restauration de la fertilité des sols mais aussi, elle contribue aux actions d’assainissement des grandes villes des pays africains en général et du Bénin en particulier avec l’appui des municipalités ».
Donc, il est important que tous les acteurs prennent conscience du danger que constituent les engrais chimiques pour l’homme et son milieu et jouent pleinement leurs rôles. Une population malade sur un sol appauvri ne pourra pas contribuer au développement local voire national.